L’agroforesterie en Auvergne : une solution durable pour l’agriculture régionale

L’agroforesterie s’impose aujourd’hui comme une pratique agricole essentielle dans la région Auvergne. Cette approche qui combine arbres, cultures et/ou élevage sur une même parcelle n’est plus une simple alternative, mais devient progressivement un impératif économique et écologique pour les exploitations agricoles auvergnates. Face aux défis climatiques et à la nécessité de préserver la biodiversité, les systèmes agroforestiers offrent des solutions concrètes adaptées aux spécificités des terroirs volcaniques de notre région.

Les agriculteurs auvergnats redécouvrent les multiples bénéfices de l’intégration des arbres dans leurs systèmes de production. Des exploitations du Livradois-Forez jusqu’aux contreforts du Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne, les initiatives se multiplient et démontrent la viabilité de ces pratiques ancestrales revisitées à la lumière des connaissances modernes.

Dans cet article, nous explorerons en détail les principes de l’agroforesterie en Auvergne, ses bénéfices concrets pour les agriculteurs et l’environnement, ainsi que les dispositifs d’accompagnement et de soutien disponibles pour développer ces pratiques dans notre région.

Introduction à l’agroforesterie en Auvergne

Définition et principes

L’agroforesterie désigne l’ensemble des pratiques agricoles associant arbres, cultures et/ou élevage sur une même parcelle. Cette approche s’inspire des écosystèmes naturels où différentes strates de végétation coexistent et interagissent de manière bénéfique. En Auvergne, elle se décline principalement sous quatre formes :

  • Le système sylvoarable : association d’arbres et de cultures annuelles
  • Le système sylvopastoral : intégration d’arbres dans les prairies d’élevage
  • Les haies vives : alignements d’arbres et arbustes en bordure de parcelles
  • Les alignements d’arbres en bordure ou au sein des champs

Ces configurations permettent d’optimiser l’utilisation de l’espace agricole en exploitant différentes strates (aérienne, superficielle et souterraine) et en créant des interactions positives entre les composantes du système. Les arbres, loin d’être des obstacles, deviennent des alliés précieux pour une agriculture plus résiliente et productive.

Contexte régional

L’Auvergne, avec ses paysages diversifiés et ses sols d’origine volcanique, présente un contexte particulièrement favorable au développement de l’agroforesterie. Historiquement, les systèmes agroforestiers traditionnels comme les prés-vergers étaient courants dans la région avant l’intensification agricole du XXe siècle.

Aujourd’hui, les exploitations agroforestières auvergnates couvrent des superficies variées, allant de quelques hectares à plus de 50 hectares, témoignant de l’adaptabilité de ces systèmes à différentes échelles. Les essences d’arbres privilégiées reflètent les spécificités locales :

Essence d’arbre Pourcentage des plantations Justification
Chêne 30% Bois de qualité, rôle dans la biodiversité, adaptation aux sols pauvres
Noyer 25% Production de noix, intégration dans les systèmes d’élevage
Érable champêtre 20% Production de bois énergie, stabilisation des sols, croissance rapide
Merisier 15% Bois d’œuvre de valeur, adaptation aux conditions climatiques locales
Pommiers et poiriers haute-tige 10% Prés-vergers, production de fruits, maintien de la biodiversité

Le contexte climatique auvergnat, marqué par des étés de plus en plus chauds et secs, renforce l’intérêt pour l’agroforesterie comme stratégie d’adaptation au changement climatique. Les arbres, par leur effet modérateur sur les températures et leur contribution à la rétention d’eau, offrent une protection précieuse aux cultures et aux animaux d’élevage.

Bénéfices de l’agroforesterie en Auvergne

Amélioration de la biodiversité et du sol

L’intégration des arbres dans les systèmes agricoles auvergnats génère des bénéfices écologiques considérables, particulièrement importants dans une région reconnue pour la richesse de ses écosystèmes naturels.

La gestion optimisée de l’eau constitue l’un des avantages majeurs. Des études menées par l’INRAE en 2023 ont démontré une réduction de 20% de l’érosion des sols et une amélioration de 30% de l’infiltration de l’eau dans les parcelles agroforestières par rapport à l’agriculture conventionnelle. Cet aspect est particulièrement crucial dans les zones de sols volcaniques d’Auvergne, naturellement sensibles à l’érosion.

L’augmentation de la biodiversité est également spectaculaire. Une étude du Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne (2022) a révélé une hausse de 40% de la richesse en espèces d’oiseaux dans les zones agroforestières. Les haies et les arbres créent des habitats diversifiés qui favorisent la présence d’auxiliaires de cultures, contribuant ainsi à une régulation naturelle des ravageurs.

En matière de fertilité des sols, les observations de la Chambre d’Agriculture de l’Allier (2024) font état d’une augmentation de 15% de la matière organique dans les sols agroforestiers après seulement 5 ans de mise en place. Les arbres, par leur système racinaire profond et la litière qu’ils produisent, améliorent significativement la structure et la vie biologique du sol, réduisant la dépendance aux engrais chimiques.

Vous pouvez découvrir les produits forestiers comestibles en Auvergne qui bénéficient directement de ces écosystèmes enrichis.

Diversification des revenus

L’agroforesterie offre aux agriculteurs auvergnats de précieuses opportunités de diversification économique, renforçant la résilience de leurs exploitations face aux aléas climatiques et aux fluctuations des marchés.

La production de bois constitue une source de revenus complémentaire significative. Selon les essences choisies et leur gestion, elle peut prendre diverses formes :

  • Bois d’œuvre de qualité (chêne, merisier, noyer) : valorisable à long terme (30-50 ans) avec des prix pouvant atteindre plusieurs centaines d’euros par m³
  • Bois énergie (érable, frêne) : commercialisable plus rapidement (10-15 ans) sous forme de plaquettes ou bûches
  • Bois de service (châtaignier, robinier) : utilisable pour des piquets, tuteurs ou autres usages agricoles

La vente de bois énergie peut générer un revenu supplémentaire de 500 à 1000 euros par hectare, constituant un complément appréciable au revenu agricole principal.

La production fruitière représente une autre opportunité intéressante, particulièrement adaptée au contexte auvergnat. Les noyers, pommiers et poiriers haute-tige s’intègrent parfaitement dans les systèmes sylvopastoraux, offrant une production commercialisable en circuits courts. Certains agriculteurs ont même développé en savoir plus sur la production de truffe noire en Auvergne, une filière à forte valeur ajoutée parfaitement compatible avec l’agroforesterie.

Les services écosystémiques constituent une source de valeur émergente. La contribution des systèmes agroforestiers à la séquestration du carbone (environ 5 tonnes de carbone par hectare et par an) ouvre la voie à des rémunérations via des crédits carbone, tandis que l’amélioration du paysage peut être valorisée à travers des activités agrotouristiques.

Production locale valorisée

L’agroforesterie contribue significativement à la valorisation des productions agricoles locales, un enjeu majeur pour l’Auvergne qui mise sur la qualité et l’authenticité de ses produits.

L’amélioration de la qualité des produits est l’un des bénéfices les plus tangibles. Le microclimat créé par les arbres (protection contre les vents, ombrage partiel, régulation de l’humidité) favorise des conditions de croissance plus régulières pour les cultures et un confort accru pour les animaux d’élevage. Cette amélioration des conditions de production se traduit par des produits de meilleure qualité :

  • Fromages aux arômes plus complexes grâce à une herbe plus diversifiée dans les prairies agroforestières
  • Céréales et légumineuses moins stressées par les aléas climatiques
  • Fruits et petits fruits bénéficiant d’un environnement équilibré

La différenciation commerciale constitue un autre atout majeur. Les produits issus de systèmes agroforestiers peuvent être valorisés auprès des consommateurs sensibles aux questions environnementales. Plusieurs initiatives auvergnates témoignent de ce potentiel :

  • Création de marques locales mettant en avant les pratiques agroforestières
  • Développement de filières spécifiques comme les œufs de poules élevées sous couvert arboré
  • Valorisation touristique des paysages agroforestiers, associée à la vente directe des produits de la ferme

Les produits forestiers non ligneux constituent une opportunité supplémentaire de diversification. Champignons, plantes médicinales, miel, petits fruits sauvages : ces productions complémentaires trouvent naturellement leur place dans les systèmes agroforestiers et permettent de développer des gammes de produits originales, particulièrement appréciées sur les marchés locaux et dans la restauration gastronomique.

Développement et soutien de l’agroforesterie

Accompagnement technique

La réussite d’un projet agroforestier repose en grande partie sur un accompagnement technique adapté. En Auvergne, plusieurs structures proposent leur expertise aux agriculteurs souhaitant se lancer dans cette démarche.

Les Chambres d’Agriculture d’Auvergne jouent un rôle central dans cet accompagnement. Elles proposent :

  • Des diagnostics de faisabilité personnalisés
  • Des conseils sur le choix des essences adaptées aux conditions locales
  • Des formations techniques sur l’implantation et la gestion des arbres
  • Un suivi des projets sur plusieurs années

La Chambre d’Agriculture du Puy-de-Dôme, par exemple, dispose d’une équipe de conseillers spécialisés joignables au 04 73 44 45 46 ou par email à contact@puy-de-dome.chambagri.fr.

Les associations spécialisées complètent ce dispositif d’accompagnement. L’Association pour le Développement de l’Agroforesterie (ADAF) et d’autres structures comme Prom’Haies interviennent régulièrement en Auvergne pour :

  • Organiser des visites de terrain et des démonstrations
  • Animer des groupes d’échange entre agriculteurs pratiquant l’agroforesterie
  • Mettre en œuvre des projets expérimentaux

Les Parcs Naturels Régionaux (Volcans d’Auvergne, Livradois-Forez) s’impliquent également dans le développement de l’agroforesterie, notamment à travers :

  • Des programmes de plantation de haies et d’arbres intra-parcellaires
  • Le soutien à des projets pilotes sur leur territoire
  • La valorisation des paysages agroforestiers

Le Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne peut être contacté au 04 73 65 64 64 pour toute information sur leurs dispositifs d’accompagnement.

Financements et aides

Le développement de l’agroforesterie bénéficie de nombreux dispositifs de soutien financier, essentiels pour surmonter l’obstacle que représentent les coûts initiaux d’implantation (estimés entre 2000 et 3000 euros par hectare).

Le FEADER (Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural) constitue la principale source de financement. Dans le cadre du Programme Régional FEADER 2023-2027, il soutient les projets agroforestiers avec :

  • Une prise en charge pouvant atteindre 80% des coûts éligibles
  • Un plafond fixé à 100 000 euros par projet
  • Des dépenses éligibles incluant l’achat des plants, le paillage, les protections et la main d’œuvre

Les aides régionales complètent ce dispositif. La région Auvergne-Rhône-Alpes, dans le cadre de son Plan Régional de l’Agriculture Durable (PRAD), a mis en place plusieurs mesures spécifiques :

  • Soutien à la plantation de haies et à la mise en place de systèmes agroforestiers
  • Aide à la valorisation des produits issus de l’agroforesterie
  • Financement de projets de recherche et d’expérimentation

Vous pouvez consulter les aides à l’agriculture dans le Puy-de-Dôme pour découvrir les dispositifs spécifiques à ce département.

Au niveau national, le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation soutient également l’agroforesterie, notamment à travers :

  • L’opération « Plantons des haies ! » du Plan de Relance, dotée de 50 millions d’euros
  • Des aides pouvant atteindre 5 000 euros par hectare pour les projets agroforestiers
  • Des crédits d’impôt pour les investissements environnementaux

Enfin, les Conseils Départementaux proposent souvent des aides complémentaires, comme dans l’Allier où le soutien à la plantation de haies peut atteindre 2 à 3 euros par mètre linéaire.

Exemples de projets locaux

L’agroforesterie en Auvergne se concrétise à travers de nombreux projets inspirants qui démontrent la viabilité et les multiples bénéfices de cette approche.

Dans le Livradois-Forez, une exploitation céréalière de 85 hectares a implanté en 2018 un système agroforestier sur 15 hectares, associant grandes cultures (blé, orge, colza) et alignements d’arbres (chênes, merisiers, érables). Les résultats, suivis par l’INRAE, sont éloquents :

  • Augmentation de 20% des rendements des cultures après 5 ans
  • Amélioration significative de la structure du sol
  • Réduction de 30% des besoins en irrigation
  • Présence accrue d’auxiliaires de culture

Dans le Cantal, un éleveur laitier a développé un système sylvopastoral sur 25 hectares de prairies, avec plantation de noyers et de frênes en alignements. Ce projet, soutenu par le Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne, présente plusieurs avantages :

  • Bien-être accru des animaux qui bénéficient d’ombre en été
  • Diversification des revenus avec la production de noix et de bois
  • Amélioration de la qualité fourragère des prairies
  • Valorisation paysagère de l’exploitation, située sur un circuit touristique

Dans le Puy-de-Dôme, une initiative collective portée par la Chambre d’Agriculture a permis la création d’un réseau de fermes agroforestières démonstratives. Ce réseau, qui compte aujourd’hui 12 exploitations, remplit plusieurs fonctions :

  • Expérimentation de différentes configurations agroforestières
  • Partage d’expériences entre agriculteurs
  • Sensibilisation du grand public et des élus
  • Formation des futurs agriculteurs

Ces exemples concrets illustrent la diversité des approches agroforestières possibles en Auvergne et leur adaptation aux différents contextes agricoles de la région.

Conclusion

L’agroforesterie s’affirme comme une solution d’avenir pour l’agriculture auvergnate, conciliant performance économique, résilience face au changement climatique et préservation de l’environnement. Les multiples bénéfices de cette approche – amélioration des sols, diversification des revenus, valorisation des productions locales – en font une voie privilégiée pour la transition agroécologique de notre région.

Les dispositifs d’accompagnement technique et de soutien financier se structurent progressivement, facilitant l’adoption de ces pratiques par un nombre croissant d’agriculteurs. Les exemples réussis se multiplient et démontrent la pertinence de l’agroforesterie dans les différents contextes agricoles auvergnats.

Pour autant, des défis subsistent : nécessité de renforcer les connaissances techniques, simplification des démarches administratives, évolution des mentalités… Relever ces défis exige une mobilisation collective des agriculteurs, des conseillers, des chercheurs et des décideurs politiques.

L’Auvergne, avec ses paysages façonnés par les volcans et son agriculture diversifiée, possède tous les atouts pour devenir un territoire exemplaire en matière d’agroforesterie. En réintégrant l’arbre dans nos systèmes agricoles, nous ne faisons pas que renouer avec une pratique ancestrale – nous préparons activement l’agriculture de demain, plus durable, plus résiliente et plus harmonieuse.

Vous êtes agriculteur en Auvergne et souhaitez vous lancer dans l’agroforesterie ? N’hésitez pas à contacter votre Chambre d’Agriculture départementale ou le Parc Naturel Régional le plus proche pour bénéficier d’un accompagnement personnalisé.

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